Depuis quelques années maintenant, le centre du Mali est au cœur de toutes les attentions. Les dernières tueries d’Ogossagou, un village peulh du cercle de Bankass, dans la région de Mopti, où près de 160 personnes, ont perdu la vie, le 23 mars 2019, ont été condamnées par toute la communauté internationale. Ce ne sont pas seulement des familles peulhs, mais aussi des civils dogons, car il existe aussi un village dogon du même nom, qui ont été tués. Au lendemain des violences, d’autres attaques de moindre envergure ont eu lieu et ciblant plusieurs autres civils de la région.
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Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU a appelé à mener les investigations afin de traduire les coupables en justice. D’autres voix ont appelé à une protection plus accrue des civils contre les milices et groupes terroristes qui opèrent dans la région du centre du Mali grâce à la présence des forces internationales comme la MINUSMA ou le G5 Sahel. Sans oublier un besoin de justice primordial dans la mesure où les populations, effrayées par l’insécurité chronique, fuient leurs zones d’habitat. On compte aujourd’hui, plus de 120000 déplacés internes et environ 136 000 réfugiés externes hors du Mali, ce qui complique davantage le travail des humanitaires.
Le centre du Mali, c’est avant tout cette vaste zone agricole, qui compte plusieurs cercles, et rime aujourd’hui avec insécurité politique, insécurité alimentaire et déplacements de populations, des phénomènes accentués par des violences, qui fragilisent le tissu social dans la région. Avec en toile de fond, une absence de l’état et de l’armée républicaine dans les zones les plus reculées.
Au centre du Mali, cohabitent plusieurs ethnies, d’abord les bergers peulhs, les agriculteurs dogons et bambaras et les pêcheurs bozos, tous guidés par un besoin quotidien de subsistance. Zone fertile, les conflits sont pourtant anciens dans cette partie du Mali. Ils sont surtout liés à la gestion des terres, l’utilisation des cours d’eaux, le partage des ressources et la transhumance des animaux en période de soudure.
La récente aggravation du contexte sécuritaire, a entrainé une grave insécurité alimentaire depuis la crise de 2012. Selon Ocha, l’agence des Nations Unies pour la coordination humanitaire, près de 600000 personnes de la région de Mopti, sont aujourd’hui touchés par cette insécurité alimentaire, parmi lesquels, près de 187 000 sont en situation de crise aigüe.
Si le delta du fleuve Niger, constituait auparavant un espace d’intenses activités agricoles du centre du Mali, et pâturages, il a aussi connu de nombreuses sécheresses et des variabilités naturelles du climat au fil des ans. Et si la planète se réchauffe, cela a certainement une conséquence sur les vastes aires du Sahel. Dans son rapport intitulé « Les populations prises au piège du terrorisme et contre-terrorisme », la Fédération internationale des Droits de l’homme, (FIDH) confirme que le conflit au centre du Mali est bien un conflit climatique, un argument appuyé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Lors d’une réunion de haut niveau sur le Climat et le développement durable, en mars, au siège de l’ONU, Maria Fernanda Espinosa, présidente de l’Assemblée générale, soulignait les conséquences sur le développement durable des pays fragiles.
Migrations et déplacements de populations
Avec l’amplification des effets climatiques, on assiste depuis quelque temps à la modification des migrations traditionnelles des bergers peulhs. L’insécurité au nord, a poussé en effet un nombre croissant de bergers à migrer vers le sud et le centre avec leurs troupeaux. Selon Mbaranga Gasarabwe, coordinatrice humanitaire du système des Nations Unies au Mali : «Les sécheresses actuelles, mais aussi les inondations ont entraîné beaucoup de déplacés, ce qu’on peut appeler aujourd’hui des ‘‘déplacés climatiques ».
Pour Drissa Doumbia, point focal climat au Ministère de l’environnement du Mali, la question des changements climatiques constitue un réel défi pour les politiques publiques. C’est pourquoi l’état malien doit tout faire pour mettre en œuvre des programmes intégrés de sécurité alimentaire, de développement énergétique et de ressources en eau, pour pouvoir aller vers une adaptation réussie au changement climatique ». A condition bien sûr que lesdits fonds d’adaptation promis à la COP 21, à Paris soient disponibles.
De plus en plus, la communauté internationale alerte sur une situation qui mêle de nombreux facteurs. L’aggravation des changements climatiques n’aide en rien, une situation sécuritaire à laquelle, il faut des solutions humaines et de toute urgence. Pour Ibrahim Maiga, chercheur à l’institut d’études et de sécurité, le concept de sécurité humaine, devrait davantage figurer dans les décisions étatiques et pas se limiter au tout sécuritaire. Cela signifie armer les populations face aux phénomènes climatiques, et leur donner les clés pour s’en protéger au lieu d’en subir les conséquences sur le long terme.
Du côté des Nations Unies, on plaide pour une prise en compte plus grande des impacts du climat dans les politiques nationales des pays. C’est aussi le plaidoyer intense qui a été fait à la 4e conférence Planetary Security de la Hague, les 19 et 20 février 2019. Pour le Mali, l’un des pays les plus fragiles et les plus affectés par ses effets, rendre disponible les fonds d’adaptation promis par les pays pollueurs, pourrait changer la donne et faire une réelle différence sur le terrain. « Il n’est plus temps de tergiverser », a déclaré le Secrétaire général de l’Onu, qui convoquera en Septembre 2019, un sommet sur le climat à New York, avant le grand rendez-vous de la COP 25 à Santiago du Chili en décembre.
Published locally by MikadoFM, Mali Radio Station
Written by Mame Diarra Diop, one of the PSI Media Fellows